Angoisse : le pouvoir des pensées et de l’imagination
Ou comment notre cerveau peut nous piéger… ou nous sauver
Quand notre imagination devient notre pire ennemi
Ah, ce cerveau… capable d’inventer des histoires incroyables, de construire des mondes, de rêver grand. Mais aussi… de créer des scénarios catastrophe plus réalistes que Netflix, parce qu’il ne fait pas vraiment la différence entre ce qu’il imagine et ce qu’il vit.
C’est le pouvoir (parfois incontrôlable) de l’imagination au service de l’angoisse.
Chez les enfants sujet à l’angoisse et souffrant de phobie scolaire, cette capacité à anticiper, visualiser et extrapoler devient un générateur de peur bien trop puissant. Ce mécanisme devient un piège puissant.
Alors, comment ça fonctionne ? Pourquoi ces pensées prennent-elles autant de place ? Et surtout, comment reprendre le contrôle ?
L’imagination : cette grande actrice du film de l’angoisse
Prenons un exemple simple.
Un lundi matin, Léo pense à sa journée d’école. Son cerveau envoie des images automatiques : la salle de classe, le regard du prof, les autres élèves qui rient, le contrôle de maths… Puis surgissent les phrases intérieures :
“Je vais encore paniquer”, “ils vont se moquer”, “je vais échouer”.
Et là, BOUM. Puisque notre cerveau ne fait pas toujours la différence entre la réalité et l’imaginaire. Une pensée négative peut déclencher une vraie réaction corporelle, comme si c’était vraiment en train d’arriver. Le corps réagit : cœur qui s’emballe, mains moites, mal de ventre. Pourtant… rien ne s’est encore passé. Tout se joue dans la tête.
Pourquoi ? Parce que le cerveau interprète l’image mentale comme un signal d’alerte. Et il lance l’alerte rouge : peur → hormones → mode survie (encore lui).
Quand le cerveau confond “imaginer” et “vivre”
Le cerveau limbique, chargé des émotions, n’a pas de bouton “réalité” ou “fiction”. Il réagit à l’image mentale, au ton intérieur, à l’histoire racontée… comme si tout cela était réel.
Imaginer une chute dans les escaliers peut donner le vertige.
Penser à un examen raté peut déclencher les larmes.
C’est ce qu’on appelle le pouvoir de la pensée : elle peut construire… ou détruire.
Chez les enfants anxieux : une imagination vive, un film catastrophe constant
Les enfants sont naturellement doués pour imaginer. Les enfants qui souffrent d’angoisse ou de phobie scolaire ont une imagination surdéveloppée. Mais au lieu de créer des mondes merveilleux, elle produit souvent des films catastrophe :
- “Et si je tombe dans les pommes devant tout le monde ?”
- “Et si la prof m’interroge et que je ne sais rien ?”
- “Et si maman m’abandonne à l’école ?”
- Ils anticipent le pire : “Je vais vomir devant tout le monde…”
- Ils généralisent : “Tout le monde va se moquer…”
- Ils amplifient : “Si je vais à l’école, je vais mourir…”
Ces pensées récurrentes deviennent automatiques, et leur répétition renforce les connexions neuronales associées à la peur.
Ce ne sont pas des pensées absurdes pour eux. Ce sont des vérités ressenties corporellement, comme si elles s’étaient déjà produites.
Ce qu’il vit, ce n’est pas “juste une pensée”
Quand un enfant en phobie scolaire dit “j’ai peur d’aller à l’école”, ce n’est pas une phrase vide. C’est un film entier qui tourne dans sa tête, avec les images, les sons, les sensations.
Et souvent, les adultes répondent : “Mais enfin, il ne s’est rien passé ! Tu exagères.”
Ce qui revient à dire : “Ton film intérieur n’existe pas.”
Mais si. Il existe. Et il crée de vraies sensations physiques. C’est son corps qui souffre, même si rien n’est “visible”.
Le problème ? Ce n’est bien souvent pas “l’école”. C’est ce que l’enfant s’en raconte.
L’imagination, lorsqu’elle se fait au service de la peur, amplifie le danger perçu. Et le cerveau, encore une fois, réagit comme si c’était réel.
C’est ainsi que se construit le cercle vicieux de l’angoisse :
Pensée anxieuse → Réaction émotionnelle forte → Évitement → Soulagement temporaire → Pensée encore plus ancrée
Ce que dit la science sur les pensées et l’angoisse
Des études en neurosciences ont montré que :
- Les pensées négatives chroniques augmentent l’activité de l’amygdale (centre de la peur)
- Elles réduisent la connectivité avec le cortex préfrontal (raisonnement)
- Elles entretiennent une hyperactivité du système nerveux autonome
Ce qui signifie que ruminer, anticiper, imaginer le pire… a un vrai impact neurobiologique.
Et si on apprenait à penser… autrement ?
La bonne nouvelle, c’est que ce pouvoir de l’imagination peut aussi devenir un super-pouvoir de résilience. En apprenant à utiliser ses pensées de manière constructive, on peut littéralement changer le film intérieur.
- Imaginer une situation réussie
- Visualiser un lieu sécurisant
- Se parler avec douceur (“J’ai le droit d’avoir peur, mais je peux y arriver”)
Ce que propose la sophrologie, c’est justement de reprogrammer le cerveau, d’imaginer pour s’apaiser : le retournement de situation
avec :
- Des images positives
- Des scénarios rassurants
- Des sensations agréables
Ce n’est pas “penser positif pour penser positif”. C’est entraîner le cerveau à créer des états internes différents, plus sécurisants, pour qu’il réagisse autrement à l’extérieur.
C’est ce que je propose dans mon livre “Surmonter ma phobie scolaire” : une série d’exercices pour aider les enfants à reprendre le pouvoir sur leur imagination, à créer des images et des pensées ressources. Ce ne sont pas des recettes magiques. Ce sont des outils réalistes, adaptés, testés, et profondément humains.
Ce que cela change dans la vraie vie
- L’enfant se lève sans boule au ventre
- Il ose aller à l’école (même s’il a encore un peu peur)
- Il pense “j’ai déjà réussi une fois, je peux encore”
- Il imagine des solutions, pas seulement des échecs
L’éducation émotionnelle : un apprentissage fondamental
On n’enseigne pas (ou si peu) aux enfants à :
- Observer leurs pensées
- Les remettre en question
- Les transformer
Et pourtant, c’est un levier énorme de régulation émotionnelle. Comprendre que “ce que je pense n’est pas forcément vrai” est un super-pouvoir mental.
L’idée n’est pas d’interdire la peur, mais de ne plus la laisser piloter leur vie.
Conclusion : on ne peut pas empêcher un cerveau d’imaginer… mais on peut lui apprendre à bien le faire
La phobie scolaire, ce n’est pas juste avoir peur d’aller en classe. C’est vivre chaque jour avec une projection mentale douloureuse, un scénario catastrophe intérieur qui tourne en boucle.
Comprendre le rôle de l’imagination dans l’angoisse, c’est mettre un nom sur un mécanisme souvent invisible. C’est aussi redonner du pouvoir à l’enfant :
“Tu n’es pas fou, tu n’es pas faible. Ton cerveau est juste très fort… dans la mauvaise direction pour l’instant.”
Et ça, ça change tout.
Mais ce cerveau capable d’inventer l’angoisse… est aussi capable d’imaginer l’apaisement.
Et si on apprenait aux enfants à devenir les scénaristes de leurs pensées ?